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La banalité du mal automobile

Cet après-midi, j’ai été témoin d’un accident impliquant une voiture et un usager vulnérable. Ça n’est pas la première fois, pas la dernière fois hélas, je crains. Il n’y a pas eu d’autres dégâts que matériel, mais ça n’est pas passé loin. Je suis en colère.

Je ne suis pas spécialement en colère contre la conductrice, mais contre – désolé du poncif – cette société automobile.

Comme souvent, le responsable de l’accident n’était pas ivre, n’était pas en train de rouler trop vite, mais a ‘simplement’ fait preuve d’inattention.

Loin de moi l’idée d’exonérer de leur responsabilité les chauffards. Je suis, comme beaucoup, hostile aux phénomènes extrêmes de la fascination automobile. Les grosses berlines, les rodéos, les conduites excessivement rapides et dangereuses.

Mais ici, il n’y avait rien d’extrême. C’était un accident d’une dramatique banalité. Une brave mère de famille, qui n’a ‘pas vu’ l’adolescent en train de traverser sur sa trottinette, qui a happé l’arrière de trottinette, qui a mis 3 secondes à s’arrêter tandis que le corps de l’adolescent était déjà bien engagé sous la voiture.

« Mais comment c’est possible ? Comment c’est possible ? » hurlait le conducteur qui arrivait en face.

Il n’y avait aucune réponse.

Ce qui me terrifie, ce soir, c’est l’absolue banalité de la conduite, l’absolue banalisation des risques que nous faisons encourir à tous les usagers de l’espace public, en particulier aux enfants et aux nombreuses personnes non-motorisées (par contraintes ou par choix), à des personnes qui pâtissent doublement d’un monde centré autour de l’automobile. Leurs distances normales se sont étendues et leur capacité à se mouvoir sereinement s’est restreinte.

On ne se passera pas du jour au lendemain de l’automobile. Peut-être même qu’on n’y renoncera jamais. Ce monde a été irrémédiablement marqué par la vitesse individuelle bon marché. Mais on peut, on doit, faire redescendre le seuil d’automobilisation du monde. Débanaliser la voiture, son confort, sa normalité.

Parce que ce phénomène tue. Les chauffard·e·s tuent, oui – on n’ôtera jamais à un conducteur sa responsabilité dans l’homicide. Mais nous sommes aussi collectivement responsables.

C’est pour ça que je milite pour le vélo (et pas pour améliorer l’offre des bus…), c’est le moyen le plus efficace pour subvertir ce que l’automobile a fait à l’espace public et à la société.

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