Une mini-voiture moche, une bonne nouvelle? Face à l’offensive marketing de Citroën, les militant·e·s pour la ‘transition mobilitaire’ ne doivent pas se laisser berner.
Une campagne de publicité d’un nouveau genre s’est installée sur nos abribus. Posée dans un paysage urbain, une automobile cubique, ressemblant à un jouet, nous tend les bras. Les communicants n’ont pas fait semblant et jouent la carte de l’ironique franchise : oui, la voiture manque de charme, on peut l’acheter en magasin d’électroménager, etc. Une voiture électrique abordable (7000€ quand même), légère, compacte et bridée, une bonne nouvelle?
Le marketing ‘cool’ – un progrès pour personne
Le marketing ‘sympatoche’, ça reste du marketing, c’est fait pour vendre. Capter l’attention, marquer la mémoire, imprégner l’imaginaire – sans votre consentement -, ça n’a rien de ‘sympa’ (bad buzz is buzz, comme on dit).
Par ailleurs, la campagne est pensée justement pour atteindre des publics avec lesquels le marketing traditionnel ne fonctionne pas (la puissance, la sexualisation des véhicules, etc.).
A quoi ça sert, sérieux?
Un véhicule qui va à 45 km max/h, sans espace utile, sans permis, est-ce que ça sert vraiment à quelque chose ? En ville, un vélo (cargo) (à assistance) fait le job, pour moins de poids, de matériaux, de volumes et d’argent. Les dernières annonces d’une version « cargo » de l’AMI sont à ce titre complètement piteuses.
Et sinon, pour un prix équivalent et des usages occasionnels, on peut avoir une « vraie » voiture, prendre les voies express avec et transporter des vraies choses.
Les voitures sans permis sont parfois utilisées hors agglomération, comme pis-aller pour les personnes sans permis, ne l’ayant jamais passé ou l’ayant perdu. Ces publics ne sont clairement pas la cible marketing de Citroën.
Atteindre les très jeunes
En réalité, Citroën vise un segment spécifique, particulièrement malléable : les jeunes, sans permis. La firme fait ainsi d’une pierre, deux coups : vendre une sous-bagnole et fidéliser de futurs clients.
Dans un entretien (quasi-publicitaire) dans l’émission Quotidien, le PDG de Citroën ne laisse planer aucun doute :
Une AMI, ça coûte moins cher qu’un pass navigo!
A la sortie du lycée, le scooter, c’est sympa, mais la voiture, c’est mieux, non?
Vincent Cobée, le 03/09/2020 dans Quotidien sur TMC
C’est une tentative désespérée de l’industrie automobile de dépasser le ‘peak car’ atteint en France. Avec la saturation de la motorisation des ménages, il faut viser les plus jeunes, aller chopper de nouveaux usages (l’urbain dense).
Geneviève Laferrère, ancienne présidente de la FUB, craignait à raison l’offensive des véhicules sans permis – je n’ai pas oublié son alerte et l’AMI en est un signe visible.
La vraie mobilité de demain
Certes la mobilité de demain sera faite de ‘véhicules intermédiaires’, techniquement proches de l’AMI, mais ça n’est clairement pas l’objectif de Citroën avec son offensive : l’État doit intervenir pour réguler l’industrie automobile.
Malus poids, standards de gabarit, bridage des moteurs, plein de bonnes idées. Surtout, il faut en finir avec l’aménagement du territoire basé sur des transports rapides et bon marché, qui, passé un seuil, deviennent contre-productifs.